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LE CAPITAINE FRACASSE.

— Cherche bien, ma bonne Chiquita, disait le brigand tout en faisant le guet, fouille les poches et les musettes pendues aux ridelles.

— Il n’y a rien, absolument rien qui vaille la peine d’être emporté. Ah ! si : voilà un sac qui bruit avec un son de métal.

— Donne-le vite, fit Agostin, et approche la lanterne, que j’examine la trouvaille. Par les cornes et la queue de Lucifer ! nous jouons de malheur ! j’avais espéré monnaie de bon aloi et ce ne sont que jetons de cuivre et de plomb doré. À tout le moins, tirons de notre rencontre ce profit de nous reposer un peu, abrités du vent de bise par le tendelet du chariot. Tes pauvres chers pieds tout saignants ne peuvent plus te porter, tant le chemin est rude et le voyage long. Couchée sous les toiles, tu dormiras une heure ou deux. Pendant ce temps je veillerai, et s’il survient quelque alerte, nous serons vitement prêts. »

Chiquita se blottit de son mieux au fond de la voiture, ramenant sur elle les vieux décors pour se procurer un peu de chaleur, et bientôt elle s’endormit. Agostin resta sur le devant, sa navaja ouverte près de lui et à portée de sa main, inspectant les alentours avec ce long regard du bandit auquel n’échappe aucun objet suspect. Le plus profond silence régnait dans la campagne solitaire. Sur la pente des coteaux lointains des touches de neige se détachaient et brillaient aux rayons blafards de l’aube, comme des fantômes blancs ou des marbres dans un cimetière. Mais tout cela gardait l’immobilité la plus rassurante. Agostin, malgré