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LE CAPITAINE FRACASSE.

semblait s’être nourrie, au lieu de foin et d’avoine, avec des cercles de barriques, tant ses côtes étaient saillantes. Les os de ses hanches perçaient la peau, et les muscles détendus de ses cuisses se dessinaient par de grandes rides flasques ; des éparvins gonflaient ses jambes hérissées de longs poils. Sur son garrot, à la pression d’un collier dont la bourre avait disparu, s’avivaient des écorchures saigneuses et les coups de fouet zébraient comme des hachures les flancs meurtris du pauvre animal. Sa tête était tout un poëme de mélancolie et de souffrance. Derrière ses yeux se creusaient de profondes salières qu’on aurait cru évidées au scalpel. Ses prunelles bleuâtres avaient le regard morne, résigné et pensif de la bête surmenée. L’insouciance des coups produite par l’inutilité de l’effort s’y lisait tristement, et le claquement de la lanière ne pouvait plus en tirer une étincelle de vie. Ses oreilles énervées, dont l’une avait le bout fendu, pendaient piteusement de chaque côté du front et scandaient, par leur oscillation, le rhythme inégal de la marche. Une mèche de la crinière, de blanche devenue jaune, entremêlait ses filaments à la têtière, dont le cuir avait usé les protubérances osseuses des joues mises en relief par la maigreur. Les cartilages des narines laissaient suinter l’eau d’une respiration pénible et les barres fatiguées faisaient la moue comme des lèvres maussades.

Sur son pelage blanc, truité de roux, la sueur avait tracé des filets pareils à ceux dont la pluie raye le plâtre des murailles, agglutiné sous le ventre des flo-