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EFFET DE NEIGE.

— Oh ! il n’en sera pas besoin, ajouta Sérafine jetant sur la Soubrette un regard dédaigneux que celle-ci soutint avec une tranquille impudence ; il est des bonnes volontés qui sautent d’elles-mêmes entre les bras des ravisseurs.

— N’est pas enlevée qui veut, répliqua la Soubrette ; le désir n’y suffit pas, il faut encore l’agrément. »

La conversation en était là, quand l’écuyer, faisant signe au charreton d’arrêter ses chevaux, demanda, le béret à la main, si mademoiselle Zerbine n’était pas dans la voiture.

Zerbine, vive et preste comme une couleuvre, sortit sa petite tête brune hors du tendelet et répondit elle-même à l’interrogation ; puis elle sauta à terre.

« Mademoiselle, je suis à vos ordres, dit l’écuyer d’un ton galant et respectueux. »

La Soubrette fit bouffer ses jupes, passa le doigt autour de son corsage, comme pour donner de l’aisance à sa poitrine, et, se tournant vers les comédiens, leur tint délibérément cette petite harangue :

« Mes chers camarades, pardonnez-moi si je vous quitte ainsi. Parfois l’Occasion vous contraint à la saisir en vous présentant sa mèche de cheveux devant la main, et de façon si opportune, que ce serait sottise pure de ne pas s’y accrocher à pleins doigts ; car, lâchée, elle ne revient point. Le visage de la Fortune, qui jusqu’à présent ne s’était montré pour moi que rechigné et maussade, me fait un ris gracieux. Je profite de sa bonne volonté, sans doute passagère. En mon humble état de soubrette, je ne pouvais prétendre