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CHEZ MONSIEUR LE MARQUIS.

mur ; ce n’était aucun des comédiens, retirés déjà dans leur logis. Le Tyran était plus grand, le Pédant plus gros, le Léandre plus svelte ; il n’avait la tournure ni du Scapin ni du Matamore, reconnaissable d’ailleurs à sa maigreur excessive que l’ampleur de nul manteau n’eût pu dissimuler.

Ne voulant pas paraître curieux et gêner l’inconnu, Sigognac se hâta de franchir le seuil de son logis, non sans avoir remarqué toutefois que la porte de la chambre des tapisseries où demeurait Zerbine restait discrètement entre-bâillée, comme attendant un visiteur qui ne voulait point être entendu.

Quand il fut enfermé chez lui, un imperceptible craquement de souliers, le faible bruit d’un verrou fermé avec précaution, l’avertirent que le rôdeur, si soigneusement embossé dans sa cape, était arrivé à bon port.

Une heure environ après, le Léandre ouvrit sa porte très-doucement, regarda si le corridor était désert, et, suspendant ses pas comme une bohémienne qui exécute la danse des œufs, gagna l’escalier, le descendit plus léger et plus muet en sa marche que ces fantômes errants dans les châteaux hantés, suivit le mur en profitant de l’ombre, et se dirigea du côté du parc vers un bosquet ou salle de verdure dont le centre était occupé par une statue de l’Amour discret tenant le doigt appliqué sur la bouche. À cet endroit, sans doute désigné d’avance, Léandre s’arrêta et parut attendre.

Nous avons dit que Léandre, interprétant à son