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LE CAPITAINE FRACASSE.

sortirent tous deux de la salle où il ne restait plus personne.

L’orangerie était située à quelque distance du château un peu sur la gauche dans un grand massif d’arbres. La façade qu’on apercevait de ce côté n’était pas moins magnifique que l’autre. Comme le terrain du parc était plus bas de niveau que celui du parterre, elle se déployait par une terrasse garnie d’une rampe à balustres pansus, et coupée de distance en distance par des socles supportant des vases en faïence blanche et bleue qui contenaient des arbustes et des fleurs, les dernières de la saison.

Un escalier à double rampe descendait au parc, faisant saillie sur le mur de soutènement de la terrasse composé de grands panneaux de briques encadrés de pierre. Cette ordonnance était fort majestueuse.

Il pouvait être à peu près neuf heures. La lune s’était levée. Une vapeur légère semblable à une gaze d’argent, tout en adoucissant les contours des objets, n’empêchait point de les discerner. On voyait parfaitement la façade du château, dont quelques fenêtres s’éclairaient d’une lueur rouge, tandis que certaines vitres, frappées par les rayons de l’astre nocturne, scintillaient brusquement comme des écailles de poisson. À cette lueur, les tons roses de la brique prenaient une nuance lilas d’une extrême douceur, et les assises de pierre, des teintes gris-de-perle. Sur l’ardoise neuve des toits, comme sur de l’acier poli, glissaient des reflets blancs, et la dentelle noire de la crête se découpait sur un ciel d’une transparence laiteuse.