Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/186

Cette page a été validée par deux contributeurs.
178
LE CAPITAINE FRACASSE.

crible, que je t’effondre, que je te désentraille, que je te piétine, que je te jette au bûcher et disperse tes cendres ? Si tu paraissais pendant le paroxysme de ma fureur, le tonnerre de mes narines suffirait à t’envoyer au delà des mondes parmi les feux élémentaires ; je te lancerais si haut que tu ne retomberais jamais. Marcher sur mes brisées, je frémis moi-même à l’idée de ce qu’une pareille audace peut amener de maux et de désastres sur la pauvre humanité. Je ne saurais punir dignement un tel crime sans fracasser du coup la planète. Léandre rival de Matamore ! Par Mahom et Tervagant ! Les mots épouvantés reculent et se refusent à venir exprimer une pareille énormité. On ne peut les joindre ensemble ; ils hurlent quand on les prend au collet pour les rapprocher, car ils savent qu’ils auraient affaire à moi s’ils se permettaient cette licence. D’ores et en avant Léandre, ô ma langue ! pardon de te faire prononcer ce nom infâme, peut se considérer comme défunt et aller lui-même commander son monument au tailleur de pierre, si toutefois j’ai la magnanimité de lui accorder les honneurs de la sépulture.

— Par le sang de Diane ! dit le valet, voilà qui tombe comme de cire, le seigneur Léandre traverse précisément la place à pas comptés. Vous allez bellement lui dire son fait, et ce sera un magnifique spectacle que la rencontre de deux si fiers courages ; car je ne vous cacherai pas que, parmi les maîtres d’armes et prévôts de la ville, ce gentilhomme a la renommée d’être assez bon gladiateur. Dégainez ; pour moi, je