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LE CAPITAINE FRACASSE.

« Si, comme je l’espère, vous vous poussez à la cour et recouvrez vos biens, donnez-moi pour retraite le gouvernement de votre garde-robe, dit-il en singeant la courbette d’un solliciteur devant le Baron transformé.

— Je prends note de la requête, répondit Sigognac avec un sourire mélancolique ; vous êtes, messer Blazius, le premier être humain qui m’ayez demandé quelque chose.

— On doit, après le dîner qui nous sera servi particulièrement, rendre visite à M. le marquis de Bruyères pour lui montrer la liste des pièces que nous pouvons jouer, et savoir de lui dans quelle partie du château nous dresserons le théâtre. Vous passerez pour le poëte de la troupe, car il ne manque pas par les provinces de beaux esprits qui se mettent parfois à la suite de Thalie, dans l’espoir de toucher le cœur de quelque comédienne ; ce qui est fort galant et bien porté. L’Isabelle est un joli prétexte, d’autant qu’elle a de l’esprit, de la beauté et de la vertu. Les ingénues jouent souvent plus au naturel qu’un public frivole et vain ne les suppose. »

Cela dit, le Pédant se retira, quoiqu’il ne fût pas fort coquet, pour aller vaquer à sa propre toilette.

Le beau Léandre, pensant toujours à la châtelaine, s’adonisait de son mieux, dans l’espoir de cette aventure impossible qu’il poursuivait toujours, et qui, au dire de Scapin, ne lui avait jamais valu que des déceptions et des étrivières. Quant aux comédiennes, à qui M. de Bruyères avait galamment envoyé quelques piè-