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BRIGANDS POUR LES OISEAUX.

toffe dont elle fit présent à Chiquita. « Oh ! c’est le collier de grains blancs que je voudrais, » dit l’enfant avec un regard d’ardente convoitise. La comédienne le défit et le passa au cou de la petite voleuse éperdue et ravie. Chiquita roulait en silence les grains blancs sous ses doigts brunis, penchant la tête et tâchant d’apercevoir le collier sur sa petite poitrine maigre, puis elle releva brusquement sa tête, secoua ses cheveux en arrière, fixa ses yeux étincelants sur Isabelle, et dit avec un accent profond et singulier :

« Vous êtes bonne ; je ne vous tuerai jamais ! »

D’un bond, elle franchit le fossé, courut jusqu’à un petit tertre où elle s’assit, contemplant son trésor.

Pour Agostin, après avoir salué, il ramassa ses mannequins démantibulés, les reporta dans la sapinière, et les inhuma de nouveau pour une meilleure occasion. Le chariot que le bouvier avait rejoint, car à la détonation de l’arquebuse il s’était bravement enfui, laissant ses voyageurs se débrouiller comme ils l’entendraient, se remit pesamment en marche.

La duègne retira les doublons de ses souliers et les réintégra mystérieusement au fond de sa pochette.

« Vous vous êtes conduit comme un héros de roman, dit Isabelle à Sigognac, et sous votre sauvegarde on voyage en sûreté ; comme vous avez bravement poussé ce bandit que vous deviez croire soutenu par une bande bien armée !

— Ce péril était bien peu de chose, à peine une algarade, répondit modestement le Baron ; pour vous protéger je fendrais des géants du crâne à la ceinture,