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— Ils sont déjà mes captifs, dit Raschid.

— Ah ! cédez-moi le droit de les punir.

— Crois-en ma sagesse, roi de Jérusalem, ne les punis pas.

— Que dites-vous ?

— Les coupables ont expié. Par égard pour toi, je me contente de cette réparation. Fais de même, je te le conseille. On me dit prophète ; mais il n’est pas besoin de l’être pour vous prédire, à vous, chrétiens, que c’est par la désunion que vous périrez. Oui, je l’avoue, j’ai été tout d’abord frappé d’admiration par la sublime folie de votre conquête, par votre force, votre étonnant courage. Je vous ai observés, j’ai étudié votre croyance. Je songeais à m’allier à vous. Nos deux puissances réunies auraient formé un torrent irrésistible ; nous étions les maîtres de l’Orient. Mais j’ai vite reconnu que rien de stable ne peut s’établir par vous. Orgueilleux à l’excès, vous ne savez pas obéir. Vous négligez, le plus souvent, l’ennemi, pour vous déchirer entre frères. Et ce dieu même, ce dieu pour lequel, de si loin, vous venez mourir, bien facilement vous le renieriez !

— Ah ! seigneur ! dit Guillaume d’un ton de reproche.