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autour d’elles. Un jour, une voix délicieuse s’envola d’entre les arbres, franchit la muraille, vint caresser l’oreille de l’indiscret chevalier. Elle chantait, cette voix, un chant fier et ardent que le rebab accompagnait, et Hugues crut entendre un appel impérieux, irrésistible. Sans se rendre compte de ce qu’il osait faire, s’aidant des lierres et des lichens, risquant, sa vie de plusieurs façons, il avait escaladé le mur, il était descendu dans ce jardin mystérieux. Mais la voix avait cessé de chanter. Au hasard, alors, il avait erré sous les épaisses frondaisons, tapi dans les buissons, se retenant de respirer, Puis, tout à coup, de l’autre côté d’un ruisseau, qui courait sur des fleurs, dans un kiosque de marbre et d’or, dont l’eau caressait les marches, il avait vu la chanteuse, pour son malheur éternel !

Certes, c’était Satan qui l’avait incité à cette action perverse, pour le détourner de Dieu et perdre son âme. Maintenant, elle le hantait nuit et jour cette vision, le torturait sans relâche, et ce n’était pas naturel, une pareille frénésie d’amour, brûlant son sang brusquement, comme le venin d’une flèche empoisonnée. Il reconnaissait bien là l’œuvre du diable et s’était imposé de rudes péni-