Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peut-être, n’aurait pas eu la puissance de réaliser ; mais, comme il était congédié, il s’éloigna, en chuchotant avec Milon de Plancy d’un air de mystère.

Une lourde inquiétude, d’ailleurs, pesait sur le camp royal. On pressentait que le Vieux de la Montagne se lassait d’attendre en vain. Le château, depuis quelques jours, était muet ; aucun messager courtois n’en venait plus. Beaucoup d’écuyers, des chevaliers même, disparaissaient, enlevés par le magicien, à ce qu’on disait. Les châtelaines et les seigneurs venus du voisinage étaient repartis. Un vague ennui tenait tous ces hommes, captifs sur parole ; ils avaient épuisé les jeux, les festins, les excès de toutes sortes, et ils étaient las, désœuvrés, impatients de l’inaction.

Vers le prince de Hama, toujours l’hôte du roi, une jeune fille en deuil était venue, et, depuis, le vieillard, enfermé sous sa tente, restait invisible. Raymond de Tripoli racontait que le comte de Césarée, échappé par miracle au château magique, dans lequel il s’était si follement jeté, en avait rapporté un désespoir incompréhensible et était résolu à se faire prêtre. Son frère d’armes,