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LE VIEUX DE LA MONTAGNE

extrême plaisir et semblait l’écouter encore après qu’il s’était tu.

— Vous ne m’avez jamais conté, seigneur, dit-elle, pour le faire parler de nouveau, vos aventures quand vous fûtes fait prisonnier.

— Il ne le peut, dit le roi, car il serait forcé de se louer lui-même. Il lui faudrait rapporter avec quelle furie magnifique, il se rua, suivi seulement de quelques-uns, sur la compagnie que commandait Saladin et comment, resté seul vivant, accablé par la multitude, il fut désarmé et pris, après une lutte terrible.

Sybille joignit les mains et leva les yeux au ciel, tandis que le jeune homme, modestement, courbait la tête.

— Est-il vrai, seigneur de Césarée, demanda Eschive, que, tandis qu’il vous tenait captif, Saladin vous ait contraint à l’armer chevalier ?

— Il ne m’y a pas contraint, dame, mais il m’en a très courtoisement prié.

— Et vous le fîtes ?

— Certes. Je lui ai chaussé l’éperon d’or et enseigné toutes les règles de notre chevalerie, dont il fut fort émerveillé.

— Un infidèle !