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les uns en rouleaux, les autres en feuillets, enfermés dans des étuis d’ivoire, de laque et d’argent ciselé, dans des boîtes de bois de santal, d’or pavé de pierres fines, ou bien faites de deux larges turquoises ramagées d’écriture. Sur des divans et sur le sol, couvert de tapis brodés de perles, des vieillards lisaient des rouleaux dépliés. Ils étaient absorbés et haletants, les sourcils froncés par l’effort, sur leurs yeux rougis de fatigue.

Hugues considéra ces nobles hommes, dont la longue vie ne suffisait pas à absorber toute la science et il eut un sourire compatissant. Pour lui, sans lassitude, d’un coup d’œil il lisait tout un rayon. Il n’était pas besoin de dérouler les manuscrits, et pas une ligne ne lui échappait. Il lut ainsi l’histoire du monde, les légendes, les théologies, les guerres des peuples, la gloire des rois et leurs crimes ; il s’initia aux secrets de l’astronomie, de l’astrologie, à la médecine, à l’alchimie. Il n’omit rien, ni les traités d’agriculture et de jurisprudence, ni la morale des philosophes, ni les divans des poètes. Et le jour n’avait pas sensiblement décru pendant le temps qui lui avait suffi pour boire tout le savoir humain.