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Mais Dabboûs s’interrompit ; brusquement il souleva une portière… Il avait cru entendre un cri étouffé, des pas légers…

— Je ne m’étais pas trompé, dit-il : la jeune suivante était là, cachée… elle a entendu ton arrêt et vu le rapporter à sa maîtresse.

Et il montra Nahâr, qui s’enfuyait par la galerie montant aux remparts.

— Laisse-moi, dit Raschid, je veux les rejoindre.

Gazileh était sur cette haute terrasse qu’elle affectionnait, les coudes sur la pierre d’un créneau, regardant au loin. La course effarée de Nahâr la fit se retourner, et elle demeura muette devant le visage bouleversé de la jeune fille, qui, elle non plus, ne pouvait pas parler.

— Tu es perdue ! dit-elle enfin, en contenant à deux mains les battements de son cœur : il veut te tuer !

— Me tuer ?…

— « Gazileh doit mourir », a-t-il dit. J’aurais du me jeter à ses pieds, lui crier que tu l’aimes, puisque c’est ton amour qu’il veut.

— Tu aurais menti : je ne l’aime pas.

— Tais-toi ! tais-toi ! Il faut bien feindre de l’aimer pour sauver ta vie.