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LE VIEUX DE LA MONTAGNE

large d’épaules, mince de taille, de haute stature, avec des yeux clairs et des cheveux blonds ; le type parfait de la mâle beauté, à ce que proclament toutes les femmes de la cour. Mais pourquoi est-il si froid et si réservé, si peu semblable aux autres chevaliers, dont les folies et les désordres vont souvent jusqu’au scandale ?

Sybille a, tout à coup, l’idée, qu’il nourrit peut-être le projet de prononcer des vœux, et cette supposition l’encolère à tel point qu’un flot de sang empourpre ses joues et que, résolument, elle marche vers le jeune homme pour le questionner. Arrivée près de lui, cependant, elle se calme, et ne dit pas ce qu’elle voulait dire.

— Que regardez-vous donc avec tant d’intérêt, messire Hugues de Césarée ? Ce n’est certes pas la quintaine que l’on joue au pied des murs.

Dans un sursaut, il se retourne, puis sourit à la princesse et lui répond respectueusement. Ce qu’il regarde, c’est un convoi de pèlerins, qui arrivent d’Europe, et entrent à Jérusalem par la porte de Josaphat. Ils vont en procession, avec croix et bannières, les uns nu-pieds, les cheveux couverts de cendres, d’autres se traînant sur les genoux, quelques-uns enveloppés d’un linceul