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thes, on buvait aux cascades et, pendant des heures, on s’amusait à faire répondre l’écho.

Homphroy était toujours auprès de Sybille, qui affectait de ne lui point parler. Et, pendant ce temps, Hugues, trop faible encore, restait dans le camp, assis au bord de la petite rivière, une rivière pressée, qui courait très vite en remuant de jolis cailloux bleus. Il regardait le fantastique château, qui changeait d’aspect à chaque heure du jour : tout vermeil au soleil levant, il flamboyait à midi et, le soir, paraissait noir comme du velours, sur le ciel empourpré. Parfois, il semblait se reculer, vaporeux et comme prêt à se dissoudre, ou bien des nuages s’enroulaient à ses tours comme des écharpes à demi nouées. Hugues, avec ferveur, le contemplait, l’étudiait, cherchait par les yeux de l’esprit à voir à travers les murailles. Elle était là. C’était vrai ! Son lourd désespoir l’avait quitté ; son sang courait vif et ardent, dans ses veines à présent. L’impossible s’était réalisé : il l’avait revue, et cette vie par lui offerte à Dieu pour la revoir, c’est elle qui, miraculeusement, la lui avait conservée. Ah ! il n’y tenait maintenant que pour la servir. N’avait-elle pas dit : « Adieu, mon chevalier… »