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LE TROISIÈME RANG DU COLLIER

— À ce qu’il paraît, c’est une musique où il n’y a pas d’airs. Cependant, à ce propos, quelque chose m’étonne ; ce compositeur a fait représenter, à Paris, un prétendu opéra, qui, naturellement, a été sifflé de la belle manière et les plaisanteries les plus spirituelles ne tarissent pas sur ce sujet ; une, entre autres, que vous pourrez peut-être m’expliquer. On dit : « Il m’ennuie aux récitatifs et il me tanne aux airs[1]… »… Mais puisqu’il n’y a pas d’airs ?… Et puis « tanne », qu’est-ce que cela peut bien signifier ?…

Alors la dame exaspérée :

— Monsieur !… « tanner » est un mot d’argot qui veut dire : « importuner », « impatienter », « ennuyer », pour parler poliment… C’est, par exemple, ce que vous faites ici, en ce moment. J’ai donné la preuve, moi, d’une patience extraordinaire, parce que je suis très bien élevée ; mais vous venez de mal parler d’un homme que je tiens pour le plus grand génie qui ait jamais existé : cela, je ne le supporterai pas. Vous avez blessé mes plus chères convictions. Vous êtes un idiot et un goujat, et j’ai enfin le plaisir de vous mettre à la porte, en vous enjoignant de ne jamais revenir chez moi.

Wagner riait aux larmes.

Il fallut expliquer, au milieu des bravos et des rappels, que le mot de la charade était tarlatane : — une dame en robe de tarlatane… un monsieur qui « tard la tanne… »

  1. Allusion, du temps, au Tannhäuser.