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LE COLLIER DES JOURS

Me voici donc installée au jardin, près d’une petite table en fer, derrière le rideau de buissons qui cache le bain de Cosima, Fidi est sur mes genoux. Pénétrée de l’importance de ma tâche, je trempe le biscuit dans le madère, ni trop, ni trop peu, et je m’efforce de ne pas salir les jolies broderies de la robe. Avec gourmandise le bébé suce le vin doré et avale le biscuit, sans tousser, sans s’étrangler. Je n’en reviens pas… Derrière les feuilles, j’entends le clapotis de l’eau, et la voix de Cosima qui m’encourage. Tout va bien, tant que durent le madère et le biscuit. Mais, quand il n’y a plus rien, Fidi donne des signes manifestes d’impatience : il se tortille, pour m’échapper et glisser par terre. Cela, jamais ! Je ne suis pas autorisée ; je ne sais même pas si l’enfant marche tout seul. Il est bien décidé à descendre, envoie des coups de pieds et pourtant, me regarde, les sourcils froncés, avec comme un étonnement que je ne le comprenne pas.

— Dépêchez-vous, Cosima : Fidi me déteste et veut s’en aller.

— Mais non ! il vous aime beaucoup, crie la baigneuse ; tenez-le ferme.

Je le tiens ferme… mais il a une force incroyable et une volonté persévérante : la lutte est pénible