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LE COLLIER DES JOURS

m’avoue, tout bas, que son père est venu secrètement, un soir, qu’il a passé une nuit à Tribschen et que cela a été une bien douce consolation. Maintenant on rompt de nouveau toute relation avec le monde extérieur et l’on vit pour le noble labeur et les joies intimes.

— Savez-vous comment nous nous occupions quand vous êtes arrivée ? me demande le Maître.

— Vous faisiez de la musique, mais il me semble que ce n’était pas du Wagner.

— Nous jouions à quatre mains, Cosima et moi, des symphonies de Haydn, et cela avec infiniment de plaisir. Nous avons choisi les douze symphonies anglaises, qu’Haydn écrivit après la mort de Mozart. Leur trame musicale est merveilleuse de soin et de finesse. On retrouve plus, dans ces œuvres, le précurseur de Beethoven, en tant que symphoniste, que dans Mozart. Voici quelque temps que nous poursuivons cette étude et cela nous a valu des heures charmantes.

Richter, qui est à Tribschen depuis quelques jours, nous a entendus sans doute ; il se glisse dans le salon, comme furtivement, et nous salue, avec une effusion contenue. Devant Wagner, il semble toujours extatique et