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LE TROISIÈME RANG DU COLLIER

l’Isar, pour chercher un peu de fraîcheur dans les jardins qui, sur l’autre rive, s’étendent le long des larges berges.

Arrêtés au milieu du pont, au-dessus d’un tumulte d’eau qui donnait le vertige, nous vîmes tout à coup paraître au loin quatre ou cinq radeaux chargés d’hommes, que le courant semblait emporter, mais qui étaient dirigés cependant.

— Des sauvages ! des pirogues ! s’écria Villiers.

Et, en effet, à cette vue, on ne pouvait songer qu’aux nègres aventureux, descendant les rapides dans les nacelles faites d’écorces d’arbres.

Le peu d’épaisseur de l’eau, sur les dalles, ajoutait au danger d’être noyé celui d’être brisé à la moindre erreur dans la difficile manœuvre. À peine avait-on le temps de trembler pour ces hommes, de les apercevoir, debout sur les radeaux, s’appuyant sur une courte perche, qu’ils étaient passés, fuyaient de l’autre côte du pont, disparaissaient.

— La vraie course à l’abîme ! s’écria Villiers.

— D’où viennent ces êtres-là ? demandai-je, où vont-ils ?

— Ah ! mieux vaut ne pas le savoir. Il n’est jamais bon d’approfondir. Une vision nous a