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LE COLLIER DES JOURS

Révolte, devant Wagner, il ne peut se lasser d’y repenser, d’en reparler :

— Hein ! comme il écoutait !… quel public !… Et comme j’ai bien joué !…

Et de nouveau son rire éclate ; son esprit fuse, à travers les obscurités de ses discours.

Pour déjeuner, nous nous installons sur le pont, abrités par une tente qui ruisselle. Mais quel déjeuner ! une omelette plus dure qu’une crêpe et gonflée d’une farce dont nous ne pouvons parvenir à définir la composition.

— Des navets jaunes ! propose Villiers.

— Il n’y en a pas, de navets jaunes… Ce sont plutôt des morceaux de citrouille crus…

La Speisekarte[1], consultée, déclare : « Omelette aux abricots ». Des quartiers d’abricots, pas mûrs, dans une omelette trop cuite, quelle infernale combinaison ! Ô Brillat-Savarin ! notre délicate gourmandise française va être mise, sans doute, à une rude épreuve par la lourde et barbare cuisine allemande. Mais quoi ! est-ce que la coquille où boit le pèlerin n’est pas accrochée sur notre épaule ? le bourdon ne charge-t-il pas notre main ? L’eau souillée des

  1. La « carte ».