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LE COLLIER DES JOURS

personne qui lui est très chère, ajouta-t-elle.

Une expression subitement attristée, pendant qu’elle disait cette phrase, passa sur son visage, mais disparut aussitôt.

— Je suis sûre, reprit-elle, que vous ne savez pas du tout pour qui votre père a écrit la Symphonie en blanc majeur. Vous ignorez « la femme cygne », « la neige vierge », « l’hostie », « la moelle de roseau », qui a été le modèle de ce délicieux portrait.

— Il y a donc eu un modèle ?

— Oui, madame. Vous n’étiez pas née quand il inspira le poète qui est votre père, et le portrait était alors, paraît-il, ressemblant.

— Vous savez qui c’était ?

— Justement la personne dont je vous parlais tout à l’heure et qui, j’en suis certaine, sera très curieuse de vous voir. Elle est née Nesselrode, a été madame de Kalergis et est aujourd’hui comtesse Muchanoff. Très enthousiaste de Wagner, elle est depuis longtemps toute dévouée à sa cause. Intelligente, lettrée, musicienne !… Mon père affirme que personne n’interprète Chopin aussi bien qu’elle.

— Vous êtes liée avec elle ?

— Oui !…