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le second rang du collier

— Arrivez ! nous cria ma mère.

Mme Ganneau nous examinait avec curiosité et sympathie. Ce fut elle qui parla :

— Voilà Nono, dit-elle en poussant vers nous son fils. Nous avons à causer, votre mère et moi ; amusez-vous pendant ce temps-là : faites connaissance…

Elles retournent dans le salon, nous laissant le jeune barbiste, fort gentil dans sa veste courte à boutons dorés. Ses cheveux châtain clair, longs pour un collégien, bouclent et encadrent gracieusement sa figure très olivâtre. Il a de grands yeux bruns, très beaux, la bouche petite et rouge : mais il a l’air excessivement grognon et pas disposé du tout à faire les premiers pas vers nous.

Dans la salle à manger, nous voilà donc tous les trois, assis, contre le mur, sur des chaises très éloignées les unes des autres, et ne disant pas un mot. Cela dure assez longtemps, mais nous trouvons que nous avons l’air bien bêtes et nous étouffons des rires. Nono fait des efforts pour garder son sérieux. Tout à coup, il se décide à parler :

— Je parie que vous ne savez pas vider un œuf sans le casser ! dit-il.

— Non, nous ne savons pas… Tu sais, toi ?…

— Bien sûr, que je sais !

Nous courons à la cuisine, réclamer un œuf.

— Pour quoi faire, un œuf ?

Nono affirme qu’il ne sera pas perdu, et même qu’on ne crèvera pas le jaune.