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le second rang du collier

Et nous continuons, nous entr’aidant. Quand un ne sait plus, l’autre sait. Nous menons ainsi le poème assez loin. Puis, tout à coup, un vers nous arrête… il se dérobe… personne ne sait plus…

— Va prendre le bouquin ! dit mon père.

— Non, non… ça n’est pas de jeu !

Et nous cherchons, par des raisonnements, par l’alternance des rimes, tout fiers quand nous retrouvons enfin le vers.

Ou bien nous parlons de nos livres préférés. Mon père trouve un grand plaisir à reprendre l’impression qu’une lecture lui a laissée, à la faire chatoyer devant l’esprit, comme une belle étoffe sous la lumière.

— Ce Scarabée d’or d’Edgar Poë, est-ce assez étonnant ! Quelle clarté ! quelle simplicité apparente, quelle précision mathématique, qui rend même les choses impossibles parfaitement vraisemblables et même évidentes !… L’as-tu relu récemment ? Crois-tu que tu serais capable, si tu trouvais un parchemin mystérieux, de découvrir la clé du cryptogramme et de déterrer le trésor… Moi, je sens que j’aurais beau me pressurer la cervelle, je ne déchiffrerais pas la formule et resterais pauvre comme devant.

— Je ne chercherais même pas à comprendre, répondis-je, tant cela me semble difficile ! Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas non