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le second rang du collier

peu pittoresque ; il nous mena jusqu’à un plateau, où nous nous arrêtâmes pour déjeuner. Nous nous étions installés auprès d’une broussaille qui limitait à demi un champ voisin ; dans ce champ, paissait un poulain ; il n’y avait personne aux alentours et l’on ne voyait aucune habitation.

Le repas terminé, comme il faisait très chaud et que le soleil tombait d’aplomb, on décida d’attendre un peu, en se reposant ou en flânant, avant de continuer à grimper vers la grotte. Les jeunes gens s’éparpillèrent pour chercher des mûres, tandis que nous restions assises derrière la carriole, essayant de nous abriter un peu du soleil, car il n’y avait plus d’ombre nulle part.

Tout à coup, dans cette solitude, dans ce silence, une rumeur, des cris, des vociférations. Nous distinguons ces mots :

— Il faut le tuer !…

Qui donc ?… Un chien enragé, peut-être ?… Nous courons vers le bruit, pour tâcher de comprendre de quoi il s’agit, et qu’apercevons-nous ?… le petit Pécheux, chevauchant le poulain, et le faisant galoper à travers le champ voisin, tandis que de tous côtés surgissent des paysans armés d’échalas, qui se jettent sur lui et veulent le prendre à la gorge.

Nous nous élançons à son aide, en appelant Edmond et Lucien qui sont hors de vue. Mais Pécheux a eu le temps de sauter à bas du poulain et se dé-