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le second rang du collier


Me voilà revenu. Pourtant j’avais, madame,
Juré sur mes grands dieux de ne jamais rimer :
C’est un triste métier que de faire imprimer
Les œuvres d’un auteur réduit à l’état d’âme.

J’avais fui loin de vous ! Mais un esprit charmant
Risque en parlant de nous d’exciter le sourire.
Je pense qu’il en sait plus long qu’il n’en veut dire,
Et qu’il a, quelque part, trouvé son revenant.

Un revenant ! Vraiment, l’aventure est étrange !
Moi-même, j’en ai ri quand j’étais ici-bas ;
Mais, lorsque j’affirmais que je n’y croyais pas,
J’aurais, comme un sauveur, accueilli mon bon ange.

Que je l’aurais aimé, lorsque le front jauni,
Sur le coude appuyé, la nuit, à la fenêtre,
Mon esprit, en pleurant, cherchait le grand peut-être
Et parcourait au loin les champs de l’infini !

Amis, qu’attendez-vous d’un siècle sans croyance ?
Quand vous aurez pressé votre fruit le plus beau,
L’homme trébuchera toujours sur un tombeau
Si, pour le soutenir, il n’a plus l’espérance.

Mais ces vers, dira-t-on, ils ne sont pas de lui !…
Que m’importe, après tout, le blâme du vulgaire ?
Lorsque j’étais vivant, il ne m’occupait guère ;
À plus forte raison, en rirai-je aujourd’hui !…


Ces vers parurent charmants à mon père, et si bien dans le style d’Alfred de Musset, qu’il avait beaucoup connu, qu’il n’eût pas hésité, disait-il, à les croire de lui, s’il avait pu admettre qu’un mort fît des vers et fût capable de les transmettre à un vivant.

Lorsque Spirite parut en librairie, l’auteur voulut offrir à la châtelaine de Saint-Jean un exem-