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le second rang du collier

tifs de cuisine, puis on alla retenir plusieurs barques munies d’échelles.

Théophile Gautier fut saisi tout à coup d’une vive inquiétude. Est-ce que vraiment nous savions assez nager pour risquer une pleine eau ? Il n’était jamais entré dans l’école de natation du pont de Neuilly, où nous avions fait nos études. J’avais beau lui conter mes prouesses, l’estime du maître nageur pour l’énergie de mon coup de pied, l’intérêt que le professeur avait pris à mon éducation, désireux qu’il était de m’opposer aux anglaises, dont la supériorité natatoire l’exaspérait, il n’était pas convaincu. Lui, le beau nageur d’autrefois, si fier du rouge caleçon d’honneur conquis aux bains Petit, il n’aimait plus l’eau froide. Cependant il décida qu’il se mettrait en costume de bains et resterait ainsi dans le bateau, prêt à piquer une tête, pour nous repêcher, à la première alerte.

Il fut vite rassuré, quand il nous vit dans l’eau, et reconnut que nous savions nager. Marguerite de la Grangerie était aussi de première force : il n’y avait donc pas lieu de s’inquiéter, on pouvait être tout au plaisir. Les jeunes frères de Dardenne et les secrétaires inconnus, se poursuivaient, en poussant des cris joyeux ; nous joutions de vitesse avec Marguerite, que déjà nous appelions « Meg », tandis que, dans le bateau, Théophile Gautier riait des histoires, que lui contait le jovial et spirituel journaliste.