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le second rang du collier

Alexandre Dumas s’excusait de venir le surprendre à pareille heure.

— C’est que j’ai absolument besoin d’un numéro du Moniteur d’il y a quinze jours, disait-il ; peut-être le retrouverons-nous ici… Et puis j’avais grande envie de vous revoir ; je n’ai pas trouvé d’autre moment : j’arrive de voyage et je repars demain.

— Le temps de passer un pantalon, et je descends vous ouvrir, dit mon père.

Dumas ! le grand Dumas ! que nous n’avions jamais vu encore !… l’auteur des Trois Mousquetaires !… Avec une hâte fiévreuse, on s’habillait, à peu près, et nous fûmes bientôt tous réunis au salon.

Dumas nous apparut, colossal : mon père, auprès de lui, devenait svelte et petit. Il avait le teint bronzé, d’abondants cheveux crépus, qui lui faisaient une tête énorme, des yeux gais et des dents éblouissantes, entre les lèvres charnues.

Tout de suite il nous tendit les bras et nous embrassa paternellement… On alluma des lampes et on jeta au milieu du salon des paquets de journaux qui avaient été apportés. Nous nous mîmes à chercher, ma sœur et moi, cet article dont Dumas ne savait pas bien la date et, pendant ce temps, avec de grands gestes et des rires sonores, il causait : rappelant des souvenirs, exposant des projets, donnant des détails sur le voyage qu’il venait de faire.

L’attitude d’Alexandre Dumas fils devant son père