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le second rang du collier

M. Robelin, complètement abasourdi, ne riait même plus.

— Comment a-t-il fait, cet animal-là ? répétait-il, comment a-t-il fait pour que je ne me sois aperçu de rien, que pas une seule fois je n’aie senti qu’il fourrait la main dans mes poches ?… Mais il serait capable de faire pendre un homme.

Doré triomphait, modestement.

— Tu es prodigieux, disait Théophile Gautier. Ce n’est pas toi qui aurais fait tinter, en le fouillant, le mannequin, cousu de sonnettes, de la cour des Miracles ! Plus heureux que Pierre Gringoire, tu te serais montré digne d’être, d’emblée, reçu voleur.

— Mais il n’aurait pas épousé la Esmeralda ! ajoutait Dumas fils.

Quelquefois, on reprochait à mon père de ne pas se mêler aux jeux, de ne vouloir en être que spectateur bienveillant : pour montrer que s’il préférait au mouvement, l’immobilité, — qui ne dérange pas les lignes, — ce n’était pas faute d’être agile. Il consentait alors à esquisser une danse, très surprenante, qu’il appelait « le Pas du créancier ». Il fallait beaucoup d’adresse, en effet, pour l’exécuter. On devait s’accroupir sur les talons, et, dans cette posture, allonger une jambe, puis l’autre, avec rapidité. C’était une sorte de gigue, très difficile et même dangereuse, si bien qu’après l’avoir sollicité, on priait le danseur de cesser la danse, tellement l’on craignait de le voir tomber.