Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/197

Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
le second rang du collier

le même soin, le même sérieux qu’autrefois ; plus personne ne serait capable de se passer une épée au travers du corps, pour un plat manqué ou une marée en retard. Il parlait toujours d’une certaine soupe à la julienne, que l’on accommodait particulièrement bien sous le règne de Charles X. Notre cuisinière s’efforçait en vain d’atteindre à cette perfection. Elle nous servait pourtant d’exquises mixtures, mais mon père hochait la tête et disait :

— C’est bon, certainement ; mais ce n’est pas encore tout à fait la julienne du temps de Charles X !

Et les tantes, renseignées sur le sujet, appuyaient son dire :

— Théo a raison. Il manque on ne sait quoi… Mais ce n’est pas encore la julienne du temps de Charles X !

Le risotto, à la milanaise, était toujours cuisiné par ma mère et lui valait, chaque fois, un triomphe.

Larges mortadelles, saucissons de Bologne, salami, zamponi, olives noires, étaient les plus fréquents hors-d’œuvre. Puis, sur un lit de persil, paraissait le poisson, servi froid ; presque toujours une truite saumonée, — pour laquelle mon père avait une prédilection marquée. — J’étais chargée de faire la sauce mayonnaise, et les jeunes gens, qui se trouvaient là, tenaient à honneur de me seconder dans cette tâche délicate. Madarasz, en sa qualité de peintre, avait mission de verser len-