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le second rang du collier

Mon père en fut très effrayé :

— Au lieu de fleurs, disait-il, il aurait pu tout aussi bien vous lancer des pierres. Comment a-t-il pu tromper la surveillance de ce domestique qui ne le quitte pas ?…

— Mais, vois, père, il y a une lettre au milieu du bouquet.

— Un billet doux !… c’est complet !… Ils ne se gênent pas, messieurs les fous !

Mon père détacha la lettre : elle était dans une enveloppe fermée par un cachet de cire rouge, avec une empreinte d’armoiries sous une couronne de comte, et adressée à « monsieur Théophile Gautier ».

— Comment ! c’est pour moi la déclaration ?… Ce fol sait mon nom et m’a reconnu !…

Mon père lut la lettre, qui parut l’étonner. Celui qui l’écrivait se disait le fils du général Bertrand, compagnon de Napoléon Ier à Sainte-Hélène. Comme tous les fous, il prétendait être l’homme le plus sage du monde et victime d’ennemis ténébreux. Il suppliait mon père de lui venir en aide, pour le tirer de captivité.

Mon père s’informa, fit des démarches.

C’était bien le fils du général Bertrand. Mais l’intercession de mon père n’eut d’autre effet que de faire se resserrer la surveillance autour du captif : on empêcha désormais le malheureux fou de se promener de notre côté.