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le second rang du collier

ment, il me sembla que je découvrais la musique : une émotion extraordinaire s’empara de moi, une passion nouvelle m’envahit. « Catalepsie ! — Épilepsie ! » aurait dit mon père. Mais, en moi, l’épilepsie avait bien souvent du bon. Par un phénomène qui m’est resté incompréhensible, je compris ce chef-d’œuvre absolument, à travers mes fausses notes, ma mesure fantaisiste, et j’allai jusqu’au bout du morceau, malgré la difficulté extrême d’exécution. Seul ce mot de valse était cause qu’on avait relié le morceau de Weber avec les ineptes danses qui formaient le recueil ; et c’est à ce hasard, peut-être, que je dois la révélation d’un art qui eut pour moi tant d’attraits et prit une si grande place dans ma vie.

Le jour de la leçon prochaine, j’ouvris le cahier devant M. Lafitte, et je lui dis d’un ton décidé et sans réplique, en lui indiquant l’Invitation à la Valse :

— Je veux apprendre cela.

— Pourquoi ce morceau plutôt qu’un autre ? demanda le maître surpris. Il est trop difficile pour vous.

— N’importe ! Je veux l’apprendre, répondis-je, ou bien je ne toucherai plus jamais au piano.

Il y avait, sans doute, quelque chose de particulier dans mon attitude, une lueur dans mes yeux, un frémissement insolite dans ma voix, car M. Lafitte me regarda profondément et me dit, après un instant de silence :