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le second rang du collier

fure austère, dont les belles lignes s’harmonisaient si bien avec le profil de médaille romaine. Mme Ganneau se défendait en souriant, et son sourire avait un charme extrême, grâce à des dents petites et délicieuses, que mon père admirait sans réserve. La beauté des dents était, d’ailleurs, une des choses qui l’intéressaient le plus chez la femme. Il y attachait une importance capitale, proclamait que lorsque la nature vous a fait don de cette parure précieuse, il fallait en prendre soin et la sauvegarder comme un trésor. Aussi nous surveillait-il de très près, à ce point de vue, nous apportant les opiats et les élixirs les plus raffinés. Il se fâchait tout rouge si nous commettions devant lui la moindre imprudence où nous risquions de nous abîmer les dents.

Un jour, à table, Mme Ganneau assise à côté de lui, cassa une noisette avec ses dents : d’un brusque mouvement, mon père, indigné, se retourna, et ne put se retenir d’envoyer un bon soufflet à la coupable.

Aujourd’hui encore Mme Ganneau ne peut se souvenir sans attendrissement de cette affectueuse et mémorable gifle…



Ma mère persistait à vouloir nous faire apprendre le piano, à ma sœur et à moi ; mais nous ne mon-