Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
le second rang du collier

elle avait, comme le dit mon père, l’air d’une Espagnole, s’habillait volontiers dans le style de son type, et accrochait souvent une dentelle à son peigne en manière de mantille. Je me souviens que toujours un grand éventail noir pailleté voletait devant son visage.

Théophile Gautier avait aussi beaucoup d’amitié pour Alphonse Lhomme, le mari, qu’il appelait toujours « l’être subtil et malicieux » ou « le plus malin des bourgeois ». Avec lui, c’étaient des dissertations métaphysiques à n’en plus finir.

La causerie était certainement ce que Théophile Gautier aimait le plus. Aucune distraction ne le divertissait autant. Mais c’était la causerie tout intime, à deux ou trois. Un seul ami à la fois, même, lui plaisait le mieux. Et c’était quand nous étions seules auprès de lui qu’il causait le plus volontiers avec des gamines comme nous. Il cherchait à nous apprendre la manière de bien parler, et s’amusait de l’indépendance de mes opinions. Il me poussait à discuter : j’avais l’audace de lui tenir tête et d’être très souvent d’un avis contraire au sien. Mais mes arguments n’étaient pas d’ordinaire très convaincants. Ils se bornaient, en général, à des affirmations rageuses et à des trépignements d’impatience. Alors mon père s’arrêtait et me disait, avec beaucoup de calme :

— Tu discutes très mal ton affaire. La colère et les injures ne prouvent rien. Il y a beaucoup de