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le second rang du collier

nez en avant, sous ces regards qui le détaillaient, avec autant de curiosité que de surprise.

Il portait un élégant costume hongrois : gilet et culotte gris perle, finement soutachés, redingote noire, garnie de brandebourgs et de passementeries, cravate de dentelle, bottes mignonnes serrant le bas de la jambe jusqu’à mi-mollet.

Quand il atteignit enfin le gravier du jardin, il retira son petit bonnet d’astrakan, et salua d’un air résolu et digne, malgré une timidité évidente, qu’il dominait.

Il avait des yeux resplendissants, un teint d’une pâleur chaude, des moustaches noires, effilées comme des aiguilles, et raidies au cosmétique.

Ses premières paroles ne furent pas banales :

— Je vous demande pardon, monsieur, d’oser ainsi me présenter sans être connu de vous et sans recommandation ; mais obtenir votre protection est pour moi une question de vie ou de mort, et c’est votre supériorité même qui m’a donné l’audace de venir à vous, et confiance en votre accueil.

— Asseyez-vous d’abord, dit mon père en lui montrant le bout libre du tapis, et dites ce que vous désirez : je n’ai pas grand pouvoir, malheureusement.

Le visiteur s’assit gentiment par terre, mais il semblait avoir épuisé toute son assurance, et ce fut en balbutiant qu’il répondit. Il était d’une noble famille hongroise, fort aisée, et, contre la vo-