Page:Gautier - Le Paravent de soie et d’or, 1904.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.
62
LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

distingue pas le bois de saule du bois de cèdre ; d’ailleurs, il n’y aura pas besoin de cercueil : il y a dans la cour une vieille auge d’écurie qui sera excellente pour m’en faire un.

— Y songez-vous, mon oncle ? Elle est beaucoup trop courte ; jamais votre corps n’y pourra entrer.

— Rien de plus facile que de raccourcir mon corps : lu me feras couper en deux et l’on mettra les deux moitiés l’une sur l’autre ; mais qu’on ne prenne pas notre bonne hache pour me couper en deux ; tu emprunteras celle du voisin.

— Pourquoi emprunter celle du voisin, quand nous en avons une chez nous ? dit Perle-Fine.

— Tu ne sais donc pas que j’ai les os très durs : on ébrécherait le tranchant de la hache et il faudrait dépenser des tsins pour la faire réparer.

— Ah ! mon oncle ! cessez de parler de choses aussi lugubres. Allez-vous reposer plutôt jusqu’au dîner, pour montrer à vos hôtes un visage aimable.

— Mes hôtes ! Je voudrais les savoir tous de l’autre côté du pont des Enfers.

— Allons, allons ! dit Perle-Fine, calmez-vous ; le repos vous fera du bien. Moi je m’occuperai à dresser la table.

Rouille-des-Bois sortit de la pièce en grommelant :

— Une once d’argent ! une once d’argent !

Restée seule, Perle-Fine s’adonna à une douce rêverie.

— Ce beau jeune homme, mon fiancé ! Est-ce pos-