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LA TUNIQUE MERVEILLEUSE

oncle qu’il fallait se résigner aux volontés du ciel.

Rouille-des-Bois continuait ses lamentations :

— Et ce dîner ! ce dîner ! Quelle ruine ! Cerf-Volant ne rentre pas, il achète tout le marché ! Cette affaire-là va m’achever. Ah ! si l’on n’avait pas collé des affiches où on se moquait de moi, si je n’avais pas dîné souvent, très souvent chez ces jeunes fous, sans leur rendre leur politesse !…

— Maintenant, dit Perle-Fine, ils vous inviteront de nouveau et vous rattraperez ainsi ce que vous aurez dépensé.

Rouille-des-Bois, en se frottant les mains, s’écria :

— Ah ! quand on dîne chez ces prodigues-là, on est rassasié pour trois jours, sans compter qu’on peut, adroitement, fourrer toutes sortes de bonnes choses dans ses manches, pour les rapporter à la maison.

— Quels sont vos invités ? demanda Perle-Fine.

— D’abord Dragon-de-Neige, un jeune mandarin qui a le grade de la huitième classe, riche, paresseux, dissipé ; puis le Prunier, un commerçant qui fait d’excellentes affaires ; puis le Tigre, secrétaire au tribunal des rites ; et enfin Bambou-Noir, qui n’est rien du tout, mais bavarde agréablement. À ce moment, Cerf-Volant entra et posa à terre le panier qu’il portait.

— Rends la monnaie ! s’écria Rouille-des-Bois.

— Rien ! répondit Cerf-Volant.