Page:Gautier - Le Paravent de soie et d’or, 1904.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.
55
LA TUNIQUE MERVEILLEUSE

l’autre, ils m’ont fait jurer encore de ne pas oublier cet engagement.

Perle-Fine se souvenait confusément que ses parents lui avaient parlé aussi de fiançailles, mais elle était si désolée de leur perte, qu’elle avait écouté à peine. Plus tard, elle crut avoir rêvé cela.

— Votre nom n’est-il pas ! Bambou-Noir ?… demanda-t-elle.

— Oui, oui, dit le jeune homme, c’est mon nom !… Vous voyez bien, il ne faut pas me chasser.

— Pourquoi donc agissez-vous d’une façon aussi contraire aux rites ?

— Parce que depuis que vous êtes orpheline, votre oncle s’est emparé de votre fortune et ne songe guère à tenir les promesses faites aux morts ; parce que, si on ne le force pas par quelque ruse, il ne consentira jamais à faire les dépenses qu’entraîne un mariage, avare comme il l’est.

— Je le sais, hélas ! dit Perle-Fine, et je suis résignée à vieillir fille.

— Non ! s’écria Bambou-Noir, si le complot que je médite réussit ; mais d’abord, je devais vous voir : il fallait votre approbation ; dites : M’acceptez-vous pour époux ?

— Puis-je désobéir à mes parents ? dit la jeune fille, les yeux baissés.

— Merci ! merci ! s’écria Bambou-Noir, et maintenant, écoutez bien : Ce soir même, Rouille-des-Bois, forcé par l’opinion publique et, sans doute,