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LA TUNIQUE MERVEILLEUSE

sont au nombre de quatre : la vertu, la simplicité, « la modestie et la beauté. »

Elle quitta le livre pour aller se regarder dans un vieux miroir, un peu trouble, et elle trouva qu’elle n’était pas trop laide à voir.

— La beauté, se disait-elle, c’est la seule qualité qu’il serait impossible d’acquérir. Si ce miroir ne ment pas trop, et s’il est vrai que j’aie un peu de celle-là, je suis sûre d’avoir les autres, tant je me suis appliquée à les posséder. Alors ! je suis une jeune fille aimable !… Eh bien ! à quoi cela me sert-il ? continua-t-elle tristement ; à mourir d’ennui et de froid, chez mon vieil oncle que torture l’avarice, et qui jamais ne consentira à me marier, à cause des frais de la noce.

Le froid augmentait de plus en plus. Perle-Fine se leva, fit quelques pas rapides pour se réchauffer, et ensuite continua son triste monologue.

— Pourquoi m’avoir nommée Perle-Fine, puisque cette perle restera, sans doute, enfermée dans un vilain écrin que personne n’ouvrira jamais. Elle regardait le soleil rougir la neige.

— Un jour, dit-elle, la neige poudrera ma tête sans que j’aie connu ni le printemps ni l’été. À ce moment, le son d’une flûte se fit entendre. La jeune fille, étonnée que quelqu’un eût les doigts assez dégourdis pour jouer de la flûte, dehors, par un froid pareil, crut d’abord que c’était là quelque mendiant.