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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

servi moins de quatre-vingt-douze plats ; te souviens-tu, Cerf-Volant ?

— Oui !… fît Cerf-Volant, les yeux au ciel.

Il avait partagé avec les autres serviteurs les reliefs du festin, et s’était donné ce jour-là une délicieuse indigestion, la seule qu’il eût eue de sa vie.

— N’oublions pas d’inviter le seigneur Bambou-Noir, dit la jeune fille. Il a la langue bien pendue, et, tandis qu’il parle, on oublie de manger.

Cette raison sembla décider Rouille-des-Bois, qui avait fait d’abord un geste de dénégation.

— A-Mi-To-Fo ! s’écria-t-il, lorsque les invitations furent prêtes, que voilà une belle aventure ! N’était-ce pas assez d’avoir à nous nourrir nous-mêmes ? Faut-il donc encore donner la becquée à ces jeunes fous qui, non contents de leur faim de lion, prennent des drogues pour s’aiguiser l’appétit ?

Cerf-Volant, tout frissonnant de froid, prit les papiers rouges, soigneusement pliés, et s’en alla pour les porter à leur adresse.

III

Quelques jours plus tard, Perle-Fine emmitouflée dans plusieurs robes, et soufflant dans ses doigts, était assise auprès d’une petite table sur laquelle était posé un livre ouvert qu’elle lisait à demi-voix.

« Les qualités qui rendent une jeune fille aimable