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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

vers Rouille-des-Bois ses grands yeux obliques, frangés de cils superbes, il est bien facile de faire cesser cet affreux scandale ; il faut rendre à vos amis la politesse qu’ils vous ont faite.

— C’est cela que tu as trouvé ? dit le vieillard, en haussant les épaules.

— Songez à votre dignité. Oseriez-vous paraître dans la rue, avec la crainte d’être insulté par les passants ?

— Puisque j’ai arraché les affiches, on ne les lira pas. — Peut-être les a-t-on lues déjà, dit la jeune fille.

Rouille-des-Bois baissa la tête un instant, mais il n’était pas encore bien convaincu.

— Cerf-Volant ! s’écria-t-il, va donc rôder sur le marché, et tâche de savoir si l’on est au courant de mon malheur.

Cerf-Volant leva les bras au ciel et s’enfuit. L’avare se mit à marcher à grands pas par la chambre autant pour se réchauffer que pour calmer son agitation. Mais le jeune serviteur ne demeura pas longtemps absent ; il rentra précipitamment, tout effaré, les vêtements souillés de neige à demi fondue.

— Savoir, dit-il, Méchants !… Battu !…

Le pauvre garçon, lui, était avare de paroles ; il ne prononçait jamais qu’un mot à la fois.

— Comment ! on t’a battu, mon pauvre Cerf-Volant ? dit Perle-Fine.