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LA TUNIQUE MERVEILLEUSE

Perle-Fine les ramassa et les déplia. Tandis qu’elle les lisait, en tachant de reconstruire le sens à travers les déchirures, Cerf-Volant jeta quelques charbons ardents dans un grand réchaud de cuivre, à moitié empli de cendres. Mais ce maigre feu, par un froid pareil, était une amère ironie ; il semblait geler lui-même dans cette grande pièce glaciale, que cinquante réchauds eussent à peine chauffée.

Cette salle avait été décorée, jadis, par les parents de Rouille-des-Bois, et gardait encore un air d’élégance. Une frise de bois rouge, toute découpée, courait autour des murs, près du plafond, où des poutrelles, autrefois peintes et dorées, s’entre-croisaient. La tenture était une vieille étoffe toute déteinte, mais on apercevait encore des traces de broderies. Seuls les meubles en bois de fer sculptés s’étaient embellis en vieillissant, mais quelques-uns boitaient. Dans un enfoncement, élevé d’une marche, apparaissait le banc d’honneur, sur lequel on fait asseoir les visiteurs ; il était recouvert d’un petit matelas, plat comme une galette, que cachait une natte en fibre de bambou, toute effiloquée. C’était dans ce coin, un peu abrité des vents coulis, que Perle-Fine se tenait le plus souvent ; elle transportait là le réchaud et déployait devant l’ouverture de l’enfoncement un vieux paravent dont la laque s’écaillait. Des poutrelles du plafond pendaient çà et là quelques grosses lanternes poussiéreuses.

— Eh bien ! mon oncle, dit Perle-Fine, en levant