Page:Gautier - Le Paravent de soie et d’or, 1904.djvu/68

Cette page a été validée par deux contributeurs.
46
LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

— Allons, patience ! Si notre complot réussit, Perle-Fine sera bientôt ta femme.

Tous les jeunes gens s’éloignèrent et, avant de disaraître à l’angle d’une rue, ils jetèrent un dernier coup d’œil à la maison de Rouille-des-Bois.

Quelques passants s’étaient arrêtés devant les affiches et les lisaient, en se tenant les côtes de rire. L’un d’eux souleva le marteau de la porte et le laissa retomber bruyamment, puis tous s’enfuirent, dans toutes les directions.

II

Une vieille tête pointue et maigre, qui semblait taillée dans un ivoire centenaire, se glissa par l’entrebâillement d’une fenêtre et regarda en dehors. Au même moment un serviteur ouvrit la porte et promena ses regards surpris sur la solitude de la rue.

Ce serviteur était un jeune garçon, mince comme une tige de bambou, long, effaré, silencieux. Dès la première lune d’hiver, gelé jusque dans la moelle de ses os, il tremblait toujours comme un chien mouillé, mais ne s’imaginait même pas qu’on pût songer à se chauffer. Rouille-des-Bois l’avait élevé. À l’appel de son maître il se précipitait désespérément, les bras étendus, comme si un malheur était arrivé, et recevait l’ordre sans rien dire. Il remuait seulement ses grands yeux épouvantés et repartait subitement avec