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LA TUNIQUE MERVEILLEUSE

On déroula les papiers, et, avec des rires étouffés, les jeunes fous s’approchèrent de la maison désignée par Bambou-Noir.

Elle était d’assez belle apparence, mais délabrée et mal entretenue. L’émail vert de la petite toiture, retroussée aux angles, qui formait auvent au-dessus de la porte, était écaillé et manquait par places, les murs se fendillaient, et l’on ne distinguait plus de quelle couleur ils avaient été peints, sous les mille éclaboussures qui la couvraient. La rouille dévorait la tortue de fer qui servait de marteau ; on voyait enfin que le propriétaire refusait à sa demeure les réparations qu’elle réclamait impérieusement Une affiche, d’un beau rouge pourpre éclatant, apparut bientôt sur le ton sale de la porte. De gros caractères, élégamment tracés, s’alignaient en colonnes.

« Chaque être, chaque chose, disaient-ils, porte le nom qui lui convient ; jamais on n’a vu une souris se faire appeler cheval, ni un monceau de fumier prendre le nom d’une fleur parfumée. Alors, pourquoi Rouille-des-Bois, le vénérable propriétaire de cette maison, n’est-il pas nommé : l’Avare, le Ladre, l’Esclave-de-Ses-Sacs, ou de quelque autre titre analogue ? »

Une affiche bleue s’était étendue au-dessous de l’affiche rouge.

« Écoutez une jolie histoire, disait celle-ci. Un vénérable avare du faubourg de Tsié-Tan fut prié