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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

l’entrée deux démons, l’un ayant une tête de bœuf, l’autre une tête de cheval, faisaient sentinelle un troisième être couleur de suie, et dont la tête était en fer, balayait le seuil. À l’approche de la jeune fille il s’écarta et les portes s’ouvrirent. Elle entra ; derrière elle, avec un retentissement plaintif, les lourds battants retombèrent.

Elle longea les larges rues de la ville de justice, suivant la foule des nouveaux morts que des soldats poussaient vers le palais des jugements suprêmes. Elle vit à l’angle des carrefours ainsi que des monceaux de débris inutiles, de vieux registres déchirés des instruments de torture rompus par l’usage, et qui n’étaient plus bons ; mais plus loin des forgerons actifs battaient l’enclume et tordaient le fer.

Le jeune garçon qui guidait Miou-Chen pénétra dans la salle d’un vaste palais, et la jeune fille après lui Elle aperçut alors le Roi de Jade sur son trône, elle admira sa coiffure frangée de perles et son visage couleur d’orange mûre, respirant la franchise l’équité. En face de lui, sur une estrade, se dressait le tribunal dernier auquel siégeait le grand juge Loun-Yo, sous deux bannières flamboyantes d’étoiles assisté de nombreux serviteurs feuilletant et mettant en ordre les dossiers des morts appelés. Tout autour de la salle étaient assis les mandarins de l’enfer : Fou-chou, porteur de la lance à trois dards ; Pen-Tchan, le gourmand, le pou-sah de la bonne chère, Ti-Tsan, prêtre du culte infernal, et Ta-Tcha, l’espion