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LE PRINCE À LA TÊTE SANGLANTE


du prince ; elle s’éloigne par les pentes, par les vallées, disparaît.

« Alors le héros se relève. Il ramasse sa tête sanglante et la replace sur son cou sanglant.

« Et d’un pas rapide il marche, il marche vers la rivière de Cam-hé.

« De grosses gouttes de sang tombent sur sa route, sa tête sanglante pleure de grosses larmes rouges. « Mais dès qu’une de ces gouttes touche la terre, un cheval ailé s’envole, l’emporte au ciel, laissant à la place où elle est tombée un bloc de pierre qui a la forme d’un cheval ailé !

« Le Prince à la Tête Sanglante a atteint la rivière de Cam-hé. Une foule d’hommes et de femmes pleurent agenouillés sur la route ; ils contemplent deux mortes, couchées sur un radeau de fleurs qui lentement remonte le courant.

Ils pleurent : ils ont reconnu le roi de l’Annam et sa sœur héroïque. Ils s’efforcent d’attirer les corps sur le rivage, mais ils ne peuvent y réussir : la force de tant de bras est impuissante. « Mais le Prince à la Tête Sanglante s’avance et, aussitôt, de lui-même, le radeau de fleurs s’approche, touche la rive.

« Alors le Prince se couche aux pieds des deux saintes et sa tête sanglante roule de ses épaules. « À la place même où eut lieu le miracle, on éleva la Pagode des Deux Princesses, qui nous abrite