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LE PARAVENT DE SOIE ET D´OR

« Un seul homme est là qui barre la route, un seul homme vivant. Mais toute une foule de morts qui défendent encore leur roi, car, remis debout, ils obstruent la route et font face à l’ennemi avec des visages effroyables.

« Le vivant, c’est le prince Lée-Line, qui a juré d’arrêter toute cette armée assez longtemps pour que les deux sœurs royales puissent atteindre la rivière Gam-hé.

« Cent mille guerriers ! Cent mille guerriers chinois ! Le prince lance des flèches et fait des morts parmi eux. Et les morts ennemis qui s’entassent, barrent aussi la route.

« Des milliers de flèches volent vers le prince, mais elles ne l’atteignent pas ; il les saisit au vol et les renvoie à l’ennemi, de sorte qu’il ne manque jamais de flèches.

« — C’est un prodige ! crient les assaillants. Et le prodige dure jusqu’au soir.

« Alors, plein de colère, le général Ma-Vien s’avance lui-même, il franchit les morts et vient combattre le prince.

« — Je peux mourir à présent, dit Lée-Line, j’ai tenu mon serment, les deux sœurs ont atteint la rivière. « Il lutte encore, pourtant ; mais Ma-Vien le frappe de son glaive, l’atteint au cœur ; puis lui tranche la tête.

« Cent mille guerriers ! Cent mille guerriers chinois ! toute l’armée victorieuse a passé sur le corps