Page:Gautier - Le Paravent de soie et d’or, 1904.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
LE PARAVENT DE SOIE ET D´OR

— Alerte ! cria Tige-d’Or.

Une colère trembla dans sa voix.

— Tu es toujours le roi de l’Annam, tu n’es pas libre encore ; avant la mort, veille à ta gloire.

Et elle cravacha les chevaux, pour déchirer cet adieu qui commençait l’éternité.

— Tout n’est donc pas fini ! dit la reine, qu’y a-t-il ?

Des éclaireurs étaient là, revenus en hâte, haletants.

À quelques minutes de marche, une armée formidable s’avançait. Le général Ma-Vien, le plus illustre des chefs chinois, dont la fille avait épousé l’héritier du ciel, la conduisait. Toute cette horde, que l’on avait vaincue, n’était que l’avant-garde de l’armée véritable.

— Quelques centaines de soldats blessés et harassés, c’est tout ce qui nous reste, dit Tige-d’Or.

— Ah ! je ne veux pas tomber entre les mains de l’ennemi ! s’écria Fleur-Royale. Je dois mourir sur la terre d’Annam, reconquise par moi, reperdue aujourd’hui, hélas ! C’est ce sol sacré qui doit boire mon sang. C’est dans l’air natal que doit s’exhaler mon souffle. Sauve-moi, Lée-Line, protège ma fuite : sois pareil aux dieux, barre la route à toute cette armée, qu’elle me laisse le temps d’atteindre la rivière du Cam-hé.

— Je le ferai, dit le prince : emmène tous ces soldats hésitants, qu’ils soient ton escorte. Seul je