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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

avec une branche superbe. La princesse la saisit, l’aspira, y plongea son visage : c’étaient bien des fleurs de prunier, toutes fraîches, toutes mouillées de rosée, tout odorantes.

À part lui, le maître s’ébahissait ; mais alors les filles d’honneur, les nobles dames, voyant qu’il était permis de cueillir des branches, sortirent leurs têtes des voitures, tendirent les mains, réclamant, elles aussi, un souvenir.

Cette fois-ci, c’était trop fort ; le prince eut un geste de colère et allait donner l’ordre de ne pas s’arrêter ; le ministre le rassura, il souriait avec un imperceptible haussement d’épaules ; il connaissait bien les femmes et avait prévu cela aussi. Il fit signe au conducteur d’un char vide d’aller chercher ce que l’on demandait. Le char revint bientôt tout empli de fleurs qu’on se partagea avec des cris de joie.

Le ministre n’avait pas hésité à faire piller les serres de tous les palais ; des hommes mêlés à la foule portaient toutes ces fleurs dans des sacs de toile brune et se tenaient à portée pour être là au moment voulu. Le prince, qui ne devinait pas, était tout abasourdi.

— Tu es vraiment un homme prodigieux, dit-il, au moment où l’on rentrait au palais ; tu as fait plus que je ne pouvais espérer ; tu as été absolument magicien. Tu l’as été trop, peut-être, et à la grande joie de ce jour se mêle une sourde inquiétude : comment nous sera-t-il possible de nous surpasser, à la fête de l’an prochain ?