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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

Le Nai-Daï-Tsin accourut, courbant le dos, et tout en débitant son compliment, vit le sombre visage du maître et n’augura rien de bon. Le prince garda un moment le silence, comme s’il hésitait à donner un ordre extravagant ; mais après un mouvement d’épaule irrité, il parla d’une voix dure.

— C’est demain la fête de ma fille, dit-il. Je veux, vous entendez, je veux, qu’au jour levant, les arbres et les buissons du parc, et de toute la campagne environnant le palais, soient couverts de fleurs, comme aux premiers mois du printemps. Allez !

— Vous serez obéi, maître, dit le ministre en sortant à reculons.

Mais une fois sorti, consterné, anéanti, il laissa baller ses bras dans les longues manches qui les cachaient.

— C’est l’exil, c’est la mort ! murmura-t-il. Oui, la mort, car je n’ai pas le temps de fuir assez loin. En pleine prospérité, la foudre qui tombe sur moi !

Ses jambes se dérobaient, il s’adossa à la boiserie.

— Qu’ai-je fait pour être en disgrâce ?… Rien, se répondit-il après un sévère examen de conscience ; c’est pour sa fille, il veut vraiment commander au printemps.

Il resta sans penser un long moment, la tête roulant comme une boule de plomb sur sa poitrine ; mais bientôt il secoua cette lourde tête, et la releva d’un air résolu.

— Allons, soyons digne de notre race, dit-il, un